Vous conduisez une analyse de données sur la transplantation de cellules souches autologues; qu’est-ce que cela signifie?
Prof. Roland Martin: Suite à la décision du DFI, la TCSHA peut désormais être réalisée à l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ), conjointement entre les cliniques de neurologie et d’hématologie. Plusieurs experts sont impliqués dans le traitement dans les deux cliniques. Une des exigences du DFI et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est de mettre en place un registre assurant l’enregistrement des patients traités et leur suivi après le traitement. Les personnes atteintes de SEP qui reçoivent un traitement par cellules souches doivent être incluses dans ce registre.
Selon les critères actuels, combien de personnes atteintes peuvent éventuellement participer à cette étude en Suisse?
RM: Actuellement, nous ne pouvons pas encore estimer avec précision le nombre de personnes atteintes de SEP concernées. Nous présumons qu’à ce stade, seul un petit pourcentage de personnes atteintes de SEP est éligible et remplit les critères pour un traitement par TCSHA. L’USZ peut prendre en charge env. 30 patients par an, et même plus dans le cas d’une extension des capacités.
Pourquoi les critères sont-ils si restrictifs?
RM: Les critères actuels sont basés sur les connaissances acquises dans le cadre de la TCSHA en cas de SEP pendant les vingt dernières années dans un certain nombre de centres de divers pays. Ils essaient de définir les patientes et les patients qui ont le plus de chances de profiter du traitement sur le long terme avec un risque raisonnable. Il se peut que les critères soient un peu élargis au cours des prochaines années. Toutefois, le prérequis sera que les données sur l’efficacité et l’innocuité se confirment et éventuellement aussi que des procédures plus douces soient mises au point pour la TCSHA. La poursuite de l’utilisation de la TCSHA dépendra également du développement d’autres nouvelles méthodes de traitement; en particulier si des médicaments ou des traitements encore plus efficaces et ayant moins d’effets secondaires devenaient disponibles, l’emploi de la TCSHA pourrait reculer à nouveau.
A qui recommanderiez-vous un traitement par cellules souches?
RM: Dans l’idéal, les personnes atteintes remplissent les critères suivants:
- SEP récurrente/rémittente très active; inefficacité d’au moins un des traitements autorisés présentant une grande efficacité
- Moins de 50 ans
- Preuves de l’activité de la maladie (poussées, augmentation du handicap, nouvelles lésions à l’IRM) au cours des 2 dernières années, tout particulièrement au cours de l’année précédente
- Durée de la maladie de moins de 10 ans ou à peine plus
- Aucune contre-indication médicale
- Degré du handicap de 6,5 ou moins sur l’échelle EDSS. Si la nécessité de l’utilisation d’un fauteuil roulant s’est imposée depuis peu chez la personne atteinte de SEP, il y a possibilité de discuter du traitement.
La TCSHA peut également être envisagée en présence de formes d’évolution plus lentes. Chaque cas est soigneusement étudié par une équipe interdisciplinaire composée des neurologues et des hématologues impliqués.
Les critères mentionnés ci-dessus sont basés d’une part sur les directives de Snowden et al. qui viennent d’être actualisées au sujet des TCSHA en cas de maladies auto-immunes, et d’autre part sur les publications de l’année dernière qui résument l’expérience acquise sur la TCSHA. Dans des cas particuliers, nous discuterons également avec des collègues expérimentés à l’étranger qui réalisent des TCSHA depuis longtemps.
Que doivent faire les personnes atteintes de SEP si elles sont intéressées par un traitement par cellules souches?
RM: Nous sommes actuellement en train de fixer les procédures d’enregistrement pour l’examen préalable ou la prise de contact.
Qu’est-ce qui est exactement couvert par les caisses-maladie?
RM: Les coûts liés à la TCSHA sont entièrement pris en charge. Les soins neurologiques préalables et le suivi des patients ainsi que leur accompagnement pendant la TCSHA sont basés sur les standards médicaux. A cette fin, nous avons conçu un protocole qui détermine les procédures avant et après le traitement et qui a fait l’objet d’une concertation avec la commission cantonale d’éthique.
Pourquoi un grand nombre de vos collègues sont plutôt sceptiques envers la TCSHA?
RM: Dans la plupart des cas, le scepticisme de mes collègues trouve probablement son origine dans le fait qu’ils n’ont pas d’expérience personnelle de la TCSHA et qu’ils ne se sont pas encore penchés avec attention sur ce sujet. C’est tout à fait normal car jusqu’à présent, seuls quelques centres emploient ce traitement en cas de SEP. Nous, les neurologues, nous ne pouvons pas réaliser nous-mêmes la TCSHA et nous sommes dépendants d’une étroite collaboration avec un ou une collègue intéressé(e) venant de l’hématologie. A l’USZ, il s’agit du docteur Urs Schanz et de son équipe. Dans tous les cas, nous nous efforcerons de diffuser davantage ce traitement et de présenter ces aspects particuliers aux collègues.
Dans d’autres pays, la TCSHA est déjà autorisée. Où en est la Suisse au niveau international?
RM: Jusqu’à présent, la Suisse faisait partie des pays où il était difficile de recevoir une transplantation de cellules souches autologues pour les personnes atteintes de SEP. Dans quelques pays, elle est autorisée depuis longtemps (p. ex. en Suède et en Pologne). Dans d’autres, la réalisation et le remboursement dépendent de l’avis des experts (notamment en Angleterre, en Italie et au Danemark). Dans de nombreux pays, elle n’est toujours pas possible. La Suisse fait désormais partie des pays où la TCSHA est disponible. Le registre, la procédure de sélection minutieuse et la réalisation dans un centre par des experts ainsi que le suivi structuré des patientes et des patients sont ici des conditions qui forment un bon compromis.