«Maman, je ne vois rien!»
Un enfant atteint de SEP fait son chemin comme les autres, même s’il doit surmonter quelques obstacles de plus. Cette phrase est importante pour Manuela, elle lui donne confiance. Manuela est la mère de Melina, qui a appris à l’âge de six ans qu’elle était atteinte de SEP.
Melina, comment vas-tu aujourd’hui?
Melina: (rires) Ça va…le mercredi après-midi, je n’ai pas école!
Ton histoire m’a impressionnée – tu veux bien me raconter comment tout a commencé?
Melina: J’avais vraiment très mal à la tête, au point d’en vomir.
Manuela: C’était vraiment bizarre. Tu avais souvent mal à la tête, mais jamais autant. Nous nous sommes donc rendus chez notre médecin de famille, qui n’a rien remarqué de particulier. Je lui ai demandé de contrôler aussi les yeux – je sais cela d’expérience, les maux de tête sont souvent liés aux yeux. Le médecin lui a donc recouvert l’œil gauche et…je n’oublierai jamais la réaction de Melina à ce moment-là.
Quelle réaction?
Manuela: Elle regarde vers l’avant, se retourne et me dit: «Maman, je ne vois rien!»
Melina: Oui, c’est vrai.
Manuela: 3%, c’est tout – à ce moment-là, tu ne voyais pas plus. Premier diagnostic: inflammation du nerf optique. Une nouvelle d’autant plus désagréable qu’elle est tombée le jour de tes six ans. Nous avons dû nous rendre à la clinique ophtalmologique, puis de là-bas à l’hôpital pour enfants pour passer un examen clinique et un scanner. Puis une IRM quelques jours plus tard.
Melina: J’étais encore en maternelle à l’époque?
Manuela: Oui. Dans un premier temps, les médecins ne nous ont rien dit…mais l’une de mes amies est assistante médicale et elle m’a parlé de la sclérose en plaques. Il a encore fallu d’autres examens pour être véritablement fixés – trois mois plus tard.
Votre patience a dû être mise à rude épreuve…
Manuela: C’était une période terrible. Toutes nos pensées tournaient autour de cette question: alors c’est ça ou non? Nous avons évité le sujet en famille avant d’avoir la confirmation définitive. Personne ne s’y attend, c’est un choc. Je ne savais même pas ce qu’était la SEP.
Vous avez regardé sur Google?
Manuela: On commence à s’intéresser à ces sujets dès qu’ils touchent quelqu’un que l’on connaît personnellement. Nous avons beaucoup lu, nous nous sommes renseignés, jusqu’à en avoir assez. Bien sûr que c’est utile d’échanger avec d’autres personnes (adultes) atteintes de SEP, mais dans le cas de Melina, la situation est différente.
Vous avez l’air un peu déçue?
Melina: Ce serait bien si les enfants atteints de SEP pouvaient se rencontrer directement. Et leurs parents aussi. Mais c’est compliqué, au vu de la faible proportion de cas en Suisse.
À propos de la rareté et des résultats empiriques: vous avez dû tester plusieurs médicaments?
Melina: Au début, je devais recevoir trois piqûres par semaine. À chaque fois, Papa devait attirer mon attention ailleurs et piquer très vite!
… c’est dur…
Manuela: Oui, c’est vraiment une dure épreuve que d’injecter si souvent un produit sous la peau de son propre enfant. Et ses valeurs hépatiques ne faisaient qu’augmenter, malgré différents dosages. Nous sommes ensuite passés à un nouveau médicament.
Et?
Manuela: Malheureusement, ce médicament ne fonctionnait pas non plus. Lorsqu’elle le prenait, Melina a eu, à plusieurs reprises, beaucoup de difficultés à respirer. Ce traitement était de la pure torture. Nous avions le cœur brisé de voir notre fille souffrir comme ça. Nous avons arrêté le traitement.
Melina, parles-tu de ta maladie à l’école?
Melina: J’ai pu y réfléchir par moi-même et j’ai décidé d’en parler. La direction, les professeurs et mes camarades sont au courant. Ce qui est important pour moi, c’est que tout le monde me traite normalement.
Où ressens-tu des restrictions au quotidien?
Melina: Pendant la période du coronavirus, je ne pouvais pas voir mes amis comme d’habitude…c’était dommage. Sinon, je vais bien.
Manuela: Pour ne prendre aucun risque, nous l’avons emmenée jouer à la ferme. Mon mari a repris celle de ses parents au début de l’année.
Melina: (énumère) Là-bas, il y a des vaches, des moutons …et puis mes petits lapins nains.
Manuela: Et tu connais le nom de chacune des vaches!
Melina: Bien sûr. Et je remarque quand il manque un veau. Ça veut dire qu’il est parti chez le boucher.
Faisons un pas vers l’avenir – comment le voyez-vous?
Manuela: Nous espérons simplement que Melina puisse vivre une enfance tout à fait normale. Qu’elle apprenne plus tard à conduire, par exemple, qu’elle découvre le monde et qu’elle soit heureuse. La même chose que ce que nous espérons pour son frère. Nous essayons de ne pas être angoissés outre mesure, car les enfants le ressentent. Nous prenons simplement les choses comme elles viennent.
Quels sont les moments difficiles?
Manuela: Pendant les périodes de perfusions. Ce sont des moments où toute la famille est très tendue. Souvent, nous ne respirons que lorsque c’est terminé et que tout s’est bien passé.
Y a-t-il des réactions qui vous énervent?
Melina: (réfléchit) Non, je ne vois pas.
Manuela: Je n’aime pas entendre les gens dire: «Oh, la pauvre petite.» On entend souvent ce genre de phrases, mais je cherche toujours à discuter, on ne sait jamais, la conversation peut s’avérer intéressante, on peut apprendre de nouvelles choses.
Avez-vous un conseil pour nos lecteurs? Et les autres personnes atteintes de SEP?
Manuela: Je trouve qu’il est important de trouver un équilibre. On ne peut pas en parler constamment, et surtout pas devant les enfants. Ça déprime Melina, par exemple. Il suffit de se dire que l’on peut traiter les enfants atteints de SEP tout à fait normalement. Ils font leur chemin comme les autres, même s’ils doivent surmonter quelques obstacles de plus.
Melina: Oui, il faut vivre, simplement.
Pour finir – si tu pouvais faire un vœu, Melina, quel serait-il?
Melina: J’aimerais vraiment voir la mer un jour, me promener sur une plage de sable et chercher des coquillages. J’en ai déjà quelques uns, tu veux les voir? (Elle court dans sa chambre et rapporte quelques jolies pièces, qu’elle montre avec fierté). J’aimerais bien trouver des coquillages comme ça par moi-même, mais malheureusement, je ne suis jamais allée à la mer…