Visage de la SEP: Laurie

Visages de la SEP

Je m’appelle Laurie, j’ai été diagnostiquée de la SEP à 21 ans suite à des troubles de l’équilibre. Aujourd’hui, j’ai 27 ans, je suis devenue maman récemment et je me prépare à courir le marathon de New-York en 2024. Le sport est essentiel pour moi. Il me permet de me dépasser et d’être bien physiquement et mentalement.

Que représente la sclérose en plaques pour toi?

Pour moi, la SEP est une mauvaise colocataire, avec qui je n’ai pas choisi de vivre. Il y a des jours ou j’aimerais beaucoup pouvoir la mettre dehors. Mais je me rends aussi compte qu’elle permet de remettre les priorités au centre. Il y a des jours ou j’en ai vraiment marre, et d’autres ou je me dis qu’elle permet de comprendre ce qui est important dans ma vie.

Comment s’est passé ton diagnostic?

Un matin, en 2018, je me suis réveillée et c’était impossible de sortir de mon lit. J'avais des troubles de l'équilibre, des vertiges, impossible de marcher. On s'est d’abord dit que c'était peut-être des cristaux dans l'oreille interne. On a fait des recherches, j'ai eu des médicaments, mais ils n’ont rien changé. Mon état a continué de se dégrader. Au bout de trois semaines, ma généraliste m'a envoyé chez l’ORL, qui m'a dit directement: «Je pense que c'est une tumeur dans le cerveau, il faut aller faire une IRM».

C’était un grand choc. J’ai passé une IRM mais je n’ai pas eu de nouvelles pendant 3 semaines. C’était une période horrible, pleine d’incertitudes. Finalement, quand on est retourné le voir, il nous a dit que ce n’était pas une tumeur, mais qu’il y avait des taches blanches dans le cerveau, donc c’était probablement une sclérose en plaques et qu’il fallait aller voir un-e neurologue.

Quelle a été ta première pensée après le diagnostic?

C’était un immense choc, surtout la manière dont on me l’a annoncé. C'est le ciel qui tombe sur la tête. Après deux ou trois semaines, j’ai pu rencontrer mon neurologue qui est vraiment exceptionnel. Pour moi, dans ce laps de temps, j’étais certaine que c'était bien une sclérose en plaques. Je n’avais pas de doutes. Je me suis demandée comment j’allais faire, qu’est-ce que cela impliquait pour la suite de ma vie. En septembre 2018, j'ai été diagnostiquée officiellement et j’ai eu un traitement. En fait, je me suis rendue compte que je n'étais pas juste malade depuis ce moment-là, mais j'étais malade depuis bien avant. C'est juste que les symptômes n'étaient pas assez forts pour me rendre compte que c'était une sclérose en plaques.

Depuis combien de temps tu as des symptômes?

Officiellement depuis juin 2018, donc bientôt 6 ans. Par contre, c'est vrai qu'officieusement, je me rends compte que ça fait depuis que j'ai peut-être 16 ans. J'avais des douleurs dans les chevilles et les poignets, comme l'impression que c'était rouillé. Je tombais également souvent malade. Par la suite, on m’a dit que ce genre d’élément pouvait être des symptômes de sclérose en plaques. C'était des alertes qu'on n'a pas vu quand j'étais plus jeune, on ne pense pas à ça à 16 ans.

À quoi ressemblent tes symptômes?

Au quotidien, ce qui est le plus compliqué, c'est la fatigue. C'est vraiment mon gros point négatif. Dès que je suis stressée ou dès qu'il y a trop dans mon quotidien, j’en ressens les effets. Au niveau des articulations, je sens une différence. Avec la surcharge, les douleurs reviennent très vite. Dès que je dépasse les limites, les troubles vestibulaires - qui étaient mes premiers symptômes - ont tendance à revenir. Si j'arrive à garder mon équilibre quotidien, je ressens surtout la fatigue, et dès que je dépasse mes limites, je vois les douleurs articulaires et les troubles vestibulaires qui apparaissent.

Quels symptômes te gênent le plus?

Comme beaucoup de gens, c'est la fatigue qui est toujours présente. Je suis obligée de faire la sieste tous les après-midis. Je ne peux pas y échapper. J’arrive à rester réveillée exceptionnellement s’il le faut un jour mais mon esprit ne suit pas. Je n’arrive pas à combattre ça, c'est vraiment comme quelqu'un qui serait narcoleptique. C'est une fatigue contre laquelle on ne peut pas lutter. Si on ne l’écoute pas, on le paie vraiment cher. Légitimement, c'est toujours compliqué de dire qu'on va faire la sieste au quotidien.  Les autres ne se rendent pas compte parce que c'est des symptômes complètement invisibles. 

Comment s’est passé la prise de ton traitement?

Mon premier traitement a été un échec. J’avais des effets secondaires très forts. Je devais me piquer très fréquemment. C’était compliqué et j’avais souvent besoin de ma chaise roulante à cause des poussées successives. Début 2019, j’ai eu un nouveau traitement qui me convient vraiment mieux. Ça fait des années que ma chaise roulante n’a pas servi maintenant. Du coup, en 2019, j'ai pu faire une formation grâce au nouveau traitement. J’ai pu aller de l’avant.

Comment est-ce que cela se passe au niveau professionnel?

C’était compliqué. Quand j’ai eu ce nouveau traitement en 2019, je voulais faire une formation mais pour l’AI j’étais trop malade pour pouvoir me former. J’ai dû prendre un avocat pour m’aider à accéder à une formation de conseillère financière avec brevet fédéral. Ça a vraiment permis de me tirer en avant, tout comme le sport a pu également me tirer en avant. Aujourd’hui, ce qui est dur pour moi, c’est de travailler à seulement un petit pourcentage. Je voudrais faire plus, mais je sais que cela mettrait ma santé en péril.

As-tu parlé de ton diagnostic autour de toi, dès le début, pas tout de suite?

J'en ai toujours parlé autour de moi. Quand je suis tombée malade, tout le monde se demandait ce qui se passait. Les gens n’osent pas venir demander. J’ai toujours été transparente, car si tu ne le dis pas tu dois inventer des excuses. Ça fait partie intégrante de ma vie, je me dis que de toute manière, cela se saura et je préfère qu’il n’y ait pas de fausses rumeurs.

Comment as-tu adapté ton travail?

J'ai toujours eu de la chance à ce niveau-là. Je travaillais dans une banque quand mon diagnostic a été posé. Je n’étais jamais malade avant et là, du jour au lendemain, j’ai été absente sur une longue période. Je suis allée plusieurs fois donner des nouvelles, cela se voyait que j’étais malade. Ils ont toujours été très compréhensifs. En 2019, quand l’AI a été d'accord de me payer ma formation, j’avais pour condition d’arrêter mon travail parce que les deux combinés, c’était trop.

Après ma formation, j’ai rapidement trouvé un emploi chez mon employeur actuel. Ils ont toujours été compréhensifs et ça s’est toujours très bien passé. J'ai des horaires libres, je peux faire un peu de télétravail si besoin, je peux vraiment adapter en fonction de la situation. J'ai beaucoup de liberté et ils se soucient régulièrement de mon état de santé même si j’ai toujours voulu être traitée comme les autres employés.

As-tu la sensation d’avoir un bon équilibre aujourd’hui?

Je travaille à 30% actuellement. Étant carriériste, c’est quelque chose d’un peu tabou pour moi. Je crois que je préfère dire mon salaire que de donner mon taux de travail. Pour moi, le fait d'être à 30%, c'est compliqué. Cela me frustre mais je sais que je ne peux pas faire plus. 

As-tu trouvé facilement ton traitement?

Le traitement que j’ai actuellement se fait par intraveineuse à l’hôpital tous les 28 jours. Il fonctionne vraiment bien, mais il y a toujours le risque d’attraper le virus J.C qui a comme conséquence que le traitement deviendrait mortel. Donc c’est surveillé de près. C'est comme avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Comment est-ce que tu te ressources au quotidien, qu'est-ce qui te fait du bien?

Le sport est un point central dans ma vie, tout particulièrement la course à pied. Je fais aussi du fitness, de la randonnée, du ski, je suis très ouverte au sport. Sortir avec mes amis est aussi essentiel, ce que je n’ai pas fait lors du pic de ma maladie. J’étais gênée, fatiguée, je ne sortais plus. Aujourd’hui, je peux refaire des soirées avec eux et même si cela me fatigue, cela me fait beaucoup de bien. Mon fils aussi me fait un grand bien, ainsi que ma famille.

Tu participes au Marathon de New-York en 2024. As-tu toujours aimé courir?

J’ai commencé à courir en 2016 et j’ai eu un déclic. Je me suis mise à la course à pied et j’y ai pris goût. Je faisais d’abord des distances «pour m’entretenir», d’environ 5 kilomètres. J’ai augmenté petit à petit les distances et, en 2021, j’ai décidé de me fixer un challenge, de courir le marathon de Zurich en avril 2022. J’ai mis beaucoup de temps à m’en remettre mais j’ai adoré cette expérience. C’était très émotionnel. C’était important pour moi de dire que ce n’est pas parce qu’on a la SEP qu’on ne peut pas se fixer de grands défis. New-York est donc le prochain projet à venir. Quand je cours, je suis dans ma bulle, et c’est toujours en faisant une course que je prends les décisions importantes de ma vie. Mon fils vient d’ailleurs d’une course à pied (rire).

Quels sont tes futurs projets?

J’aimerais bien m’orienter vers les courses de trail, notamment Sierre-Zinal. Je réfléchis aussi à avoir peut-être un deuxième enfant dans quelques années et j’aimerais me développer professionnellement. J’aimerais pouvoir avancer et être toujours un peu plus forte. Je vois l’avenir avec plein d’opportunités. Me laisser aller, ce n’est pas une option pour moi.

Quel est le préjugé que tu aimerais déconstruire autour de la sclérose en plaques?

Souvent, les gens pensent que quand on ne travaille pas, on reste à la maison sur le canapé, alors qu’en réalité, les traitements prennent beaucoup de temps. Lorsque je dois me rendre à l’hôpital pour mon traitement, j’en ai pour la demi-journée, il y a les séances d’ergothérapies pour les douleurs dans les mains, les séances d’ostéopathie pour débloquer les articulations, etc. C’est beaucoup de rendez-vous et parfois, faire une pause serait agréable.

Crédits photo: Sébastien Deloy - Studio SPPJ


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