Visages de la SEP: Olivier Mercier

Visages de la SEP

Je m’appelle Olivier, j’ai 56 ans et j’habite dans le canton de Vaud avec ma femme et nos trois chiens. J’ai un parcours professionnel qui m’a fait voyager et vivre en Syrie, en Irak et à Dubaï. Aujourd’hui, je suis installé au Mont-Pèlerin et je vis au quotidien avec ma maladie en essayant de toujours voir le positif de chaque situation.

Que représente la SEP pour toi?
Je l’appelle mon «chien noir», car elle est toujours avec moi, elle est quelques fois agressive et peut mordre très fort. C’est une partie de moi qui divise mon corps, qui lutte contre lui-même.

Qu’est-ce que tu ressens vis-à-vis de la sclérose en plaques?
Une certaine frustration car il y a des choses que je ne peux plus faire mais il faut faire en sorte que les morsures de mon «chien noir» soient le moins dures possible de manière à vivre une vie digne.

Depuis combien de temps as-tu des symptômes?
J’ai été diagnostiqué il y a 20 ans, à l’âge de 39 ans. J’ai eu soudainement des difficultés à marcher et suite à des IRM, le diagnostic a été posé rapidement car j’avais des lésions visibles.

Quelle a été ta première pensée après le diagnostic?
Il a fallu que je prenne un peu de recul par rapport à cette nouvelle. Il y a plein de questions qui arrivent soudainement: est-ce que je vais être en fauteuil roulant, comment est-ce que la maladie va évoluer... On tombe dans un autre univers, l’univers du handicap. Toute la question est de savoir comment gérer cette nouvelle avec la vie d’avant. Il faut redessiner les priorités professionnelles, familiales, en matière de santé, etc.

Quels symptômes te gênent le plus? Comment tes symptômes t’handicapent-ils au quotidien, comment influencent-ils ta qualité de vie?
Pour moi le symptôme qui me gêne le plus est de loin les douleurs. Au moment où je parle actuellement, j’ai de fortes douleurs dans la partie inférieure des membres, et c’est très fréquent. La fatigue est aussi très forte et en conséquence, j’ai beaucoup moins de vie sociale, je ne peux pas sortir le soir par exemple, c’est très compliqué. De plus, la paralysie qui s’installe du côté gauche de mon corps m’empêche de dessiner, diminue mes capacités à bricoler et faire les tâches du quotidien. Il faut trouver des astuces pour chaque situation. Finalement, la gestion des sphincters est surtout embarrassante car on doit veiller à être proche des toilettes facilement et en tout temps.

As-tu parlé de ton diagnostic autour de toi? Si ce n’est pas le cas, pour quelle raison?
J’en ai immédiatement parlé à ma famille, car pour moi c’est important de ne rien leur cacher. Ma femme m’a dit qu’elle ne voulait pas s’occuper d’un handicapé et elle est partie. Mes parents ont beaucoup culpabilisé car se pensaient responsables de la transmission de la maladie, même si c’est faux. Mon père étant médecin, il savait comment la maladie pouvait évoluer et cela a été très dur pour lui. J’en ai parlé à mes amis qui ont été très présents.

En as-tu parlé dans le cadre professionnel?
Au travail, je n’en ai pas beaucoup parlé car je redoutais de perdre mon emploi. Au bout d’un an j’ai commencé à en parler car ils commençaient à voir que je boitais, que j’avais certaines difficultés. J’ai pris une canne et j’ai expliqué la situation aux ressources humaines. Ils ont pris note et au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, j’ai demandé certains aménagements, telles que la place de parc proche de l’ascenseur, le poste de travail proche des toilettes, etc.

Depuis le diagnostic posé il y a 20 ans, est-ce que le regard a changé sur les personnes atteintes de maladie chronique selon toi?
Au niveau politique, je n’ai vu aucune amélioration. Je pense que pour les valides, c’est difficile de comprendre l’invalidité. Il ne suffit pas de mettre des places handicap pour créer une société inclusive. Il y a un souci d’information des pouvoirs publics auprès de la population sur le handicap et ce que cela représente pour les gens. On ne demande pas de pitié mais un regard un peu plus bienveillant. L’accessibilité aux espaces publics s’est améliorée mais il reste du travail.

A Chardonne, tout près d’où je vis, il n’y a aucune place de parc handicap par exemple. Cela diminue encore notre vie sociale et augmente le renfermement psychologique et physique. L’être humain étant un être social, ne pas pouvoir vivre des interactions sociales va détériorer sa santé et en conséquence, augmenter les coûts de la santé. C’est donc une situation gagnant-gagnant de veiller à ce que l’accessibilité soit améliorée.

Est-ce que tu as facilement trouvé un traitement adéquat?
Il a fallu un certain temps pour trouver le traitement adéquat pour moi mais aujourd’hui je suis satisfait. Il faut un équilibre vie privée, vie professionnelle et médication, car certains médicaments sont très forts et empêchent de travailler. Il faut une coopération totale avec le médecin de famille pour trouver ce qui fonctionne bien et que la vie soit la plus douce possible.

Est-ce que tu as déjà vécu des situations de préjugés sur la maladie?
Oui, certaines personnes pensent que c’est contagieux et vont avoir une certaine distance. Il y a d’autres personnes qui sont surprotecteurs, ce qui n’est pas non plus la meilleure solution qui soit. Il y a aussi de la pitié dans le regard, ce que je déteste. Je leur dis immédiatement de ne pas s’inquiéter et qu’il y a pire, notamment le handicap terrible que sont les poils dans le dos pour les hommes (il rit).

Comment est-ce que tu te ressources au quotidien?
Je pense que l’essentiel, c’est de ne pas s’épuiser. La SEP est une maladie très fatigante, il faut donc trouver de quoi se ressourcer, se reposer et changer d’air au calme. Ma ressource personnelle a été d’acheter un terrain en France dans un coin complètement perdu. C’est en pleine nature, sans accès à l’eau ni à l’électricité, avec vue sur les animaux et un immense étang. Il faut se faire plaisir, bien manger, être à l’écoute de soi, c’est essentiel.

Une autre solution est d’effectuer un séjour de réhabilitation dans une clinique. Je l’ai fait une fois il y a plusieurs années à Cran-Montana et j’ai beaucoup apprécié. Il y a de tout: physiothérapie, natation, acupuncture, psychologue, tout est fait pour se reposer mais aussi pour poser ses questions.

Dans les moments plus difficiles, comment est-ce tu luttes contre les coups de blues?

Il faut attendre que cela passe. J’ai eu une phase ou l’alcool était une forme d’antidote mais très vite on réalise que les conséquences sont pires que tout. Le meilleur remède selon moi: voir sa famille et ses amis, prendre du temps avec les personnes qui nous sont chères. En cas de sérieux coup de blues, il ne faut pas hésiter à consulter des professionnels de la santé mentale, tout aussi important que la santé physique.

Que conseillerais-tu aux personnes qui viennent de recevoir un diagnostic?
Je conseille de ne pas aller sur internet, car il y a tout et n’importe quoi. Quand on reçoit le diagnostic on peut se sentir un peu perdu, on ne sait pas où regarder, mais il faut résister à aller lire tout et n’importe quoi sur internet. Pour moi, la Société SEP est une entité parfaite car elle va aiguiller les gens, leur expliquer ce qu’il se passe selon leur situation propre mais sans être alarmiste et surtout ce sont des spécialistes.

Les neurologues également sont de très bon conseil, surtout dans le canton de Vaud, c’est une équipe très bienveillante, à l’écoute. Je conseille également de parler à d’autres personnes atteintes ayant dépassé le stade de la colère ou du refus, pour organiser sa nouvelle vie. Il faut s’adresser aux personnes qui connaissent la maladie.

Par Valérie Zonca - Mont Pèlerin, le 10.07.23

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