Dans cette série de portraits, ce ne sont pas des tiers ou des personnes non impliquées qui parlent de la SEP. Les personnes atteintes parlent elles-mêmes de leur vie avec une maladie incurable, de leurs espoirs, de leurs peurs. Comment la maladie les défie, mais aussi comment la SEP a pu les rendre plus forts.
Qui êtes-vous? Quel âge avez-vous?
Agée de 44 ans, je m’appelle Corinne et je suis une amoureuse inconditionnelle de la vie, de l’amour, de la terre, de la nature et de toutes les personnes qui font de mon quotidien une vie de joie et de bonheur. Je suis extrêmement touchée de pouvoir partager ces quelques mots et mon expérience de vie avec vous.
Combien de temps avez-vous eu des symptômes avant d'être diagnostiquée?
Vers l’âge de 30 ans, j’ai eu de multiples symptômes très diffus avant de pouvoir être diagnostiquée définitivement, soit une névrite optique qui a engendré un 1er rendez-vous chez le neurologue puis une IRM cérébrale, mais sans diagnostic émis. Suite à ce 1er épisode, je ressentais régulièrement une forte fatigue et de nombreuses paresthésies au niveau des membres inférieurs. Puis ce fameux jour, soit environ un an plus tard, où mon côté gauche n’a plus voulu réagir comme je le souhaitais, une hémiplégie a décidé de s’immiscer dans mon quotidien.
Je me souviens que je me répétais sans cesse: «Je dois avoir confiance en la vie, ressentir en moi le fait que quoi qu’il puisse arriver sur mon chemin, cela sera toujours juste.»
Comment et à quel âge avez-vous reçu le diagnostic de SEP?
Lors de mes derniers symptômes, soit l’hémiplégie du côté gauche, une hospitalisation a été imposée par mon médecin en neurologie. Et là, tout s’est enchaîné très vite, voire trop vite. IRM, ponction lombaire, examens divers et ce jeune médecin assistant qui vient m’annoncer ce diagnostic encore à l’époque totalement inconnu dans mon vocabulaire: «Vous êtes atteinte de SEP ou plus précisément de sclérose en plaques.»
Quand je pense à ces jours sans fin où je traversais désert après désert, à m’enliser aveuglément dans la lutte, les conflits intérieurs, la colère, la haine… Aujourd’hui, je suis respectueuse de ces jours pour les expériences qu’ils m’ont permis de vivre et les enseignements qu’ils m’ont apportés. J’ai pu, à partir d’un certain moment, prendre conscience que toute ma souffrance était liée au refus d’accueillir la vie telle qu’elle était… Et dès le jour où j’ai pris la décision de déposer mon armure pour laisser éclore en moi ma «(Sclé)ROSE», tout s’est adoucit. Un chemin de patience et de persévérance qui m’invite à faire de mon mieux à chaque instant.
Quelle a été votre première pensée après avoir reçu le diagnostic de SEP?
J’ai eu la sensation que ces 3 lettres «SEP» résonnaient sans cesse dans ma tête et cette vision au loin du fauteuil roulant qui se rapprochait de moi… Un sentiment si fort que ma vie s’écroulait totalement tel un véritable château de cartes sur lequel on venait de souffler avec tant de force. Et puis, je me suis souvenue de mes belles montagnes, qui pour moi sont une telle source d’énergie… Comment allais-je pouvoir les gravir à nouveau, m’y imprégner afin de maintenir mon équilibre… Et là, ces quelques mots sont venus à moi: «Je ne marche pas pour la performance ou pour accomplir des exploits. Je marche comme je rêve, comme j’imagine, comme je pense par une sorte de mobilité de l’être et de besoin de légèreté.» Alors dès ce jour-là, j’ai décidé de ne jamais arrêter de RÊVER et surtout j’ai continué de MARCHER mais d’une autre manière.
Quels sont les symptômes que vous trouvez les plus gênants? Comment influencent-ils votre vie quotidienne et votre qualité de vie?
La fatigue est un symptôme qui s’avère très pesant, car celle-ci me freine régulièrement dans des périodes où j’oublie totalement la maladie. Ce symptôme étant invisible, je ressens parfois l’incompréhension des gens qui m’entourent et cela peut être extrêmement déstabilisant et pesant. Il est vrai que je suis très active et dès que le temps me le permet, je pars avec tant d’émerveillement à la découverte de la nature, mais parfois, j’en paye le prix et plusieurs jours de repos intense me sont nécessaires. Aujourd’hui, lorsque ces sentiments me submergent, je me dis: «Vis comme l’arbre qui plante ses racines profondément au cœur de la terre pour puiser ses forces et comme lui, lève la tête vers le ciel et redresse-toi avec courage!»
Les différentes atteintes au niveau des membres supérieurs m’ont également amenée à devoir revoir parfois mon quotidien, ou renoncer à mes envies de défis personnels car cette faiblesse me limite grandement dans certaines activités et m’imposent certaines restrictions. De légères défaillances cognitives altèrent également ma vie quotidienne et mes activités professionnelles et extra-professionnelles.
Aujourd’hui encore, cela peut s’avérer difficile à gérer lorsque je prends vraiment conscience de mes limites. Mais je m’offre le temps de m’arrêter, d’avoir le courage de sortir de mes illusions, d’oser la vie telle qu’elle est, et d’ouvrir ainsi mon cœur à tout ce qui est.
Comment vos proches (famille, amis, partenaires) considèrent-ils votre maladie?
J’ai longtemps caché ma maladie à mes proches pour différentes raisons. J’avais peur du regard qui me serait porté et surtout je souhaitais absolument épargner ma maman en fin de vie. J’ai essayé de faire au mieux avec ce que je ressentais et les moyens qui étaient les miens.
Aujourd’hui, la maladie fait partie de moi, de ma vie, de mon quotidien mais ce que je souhaite du plus profond de mon cœur, c’est véhiculer auprès de mes proches, non pas l’image d’une personne malade mais au contraire d’une femme qui rappelle toute l’intensité d’une vie et la magie d’un sourire. Il y a des milliers de mots qui sont là, en moi, pour raconter, porter, aimer et vivre joie et bonheur avec les gens qui m’entourent et que j’aime. J’ai le cœur à aimer chaque instant de ma vie, main dans la main, avec toutes les personnes qui feront route avec moi et que je remercie aujourd’hui infiniment ma famille, mes amis et l’ensemble de mes proches qui ont accepté de cheminer avec tant de bienveillance à mes côtés.
Avez-vous des enfants? Comment gèrent-ils la maladie? Comment conciliez-vous le travail et votre vie privée?
Je suis célibataire et sans enfants. Cette situation de vie m’aura permis d’avoir une activité professionnelle intense, motivante et intéressante. De formation commerciale, j’ai suivi régulièrement des cours dans différents domaines (informatique, RH, leadership, management et social) afin de me réaliser un maximum dans chacune de mes activités. Cependant, mon investissement a été bien trop conséquent en raison d’un perfectionnisme débordant. Je sentais dans mon corps les différents symptômes de la SEP qui se manifestaient régulièrement, mais à cette époque, je préférais ne pas les entendre. De cela, un important burn-out est venu stopper cet élan quelque peu hors norme. Après cet arrêt brutal, j’ai compris qu’il était temps de déposer mon armure pour enfin laisser la vie éveiller ma conscience. Quel bonheur de ressentir si intensément tout ce que la vie m’offre, qu’il s’agisse des instants de joie ou de tristesse! Je sais que ceux-ci m’apportent toujours les ressources dont j’ai besoin, que ce soit au travers des gens que j’aime, de mes passions, de ma foi. J’aime m’imaginer que la solidarité, c’est aider chacun à alléger le poids de la vie et à la rendre plus facile lorsque les difficultés s’installent.
Quelle est votre situation professionnelle?
Actuellement, je n’ai plus d’activité professionnelle… Moi qui ai vécu grandement pour mon travail, j’ai dû accepter ce cheminement de repos et d’arrêt. Cette phase n’a pas été toute simple et un processus intérieur conséquent a dû être entrepris. Les médecins et thérapeutes qui me suivent depuis maintenant de nombreuses années ont cependant bien pris conscience de mes limites (physiques et cognitives) et de mes forces, qui finalement se transformaient en faiblesses car je recherchais toujours ce plus, ce mieux, cette perfection.
Comment vous détendez-vous? Qu’est-ce qui vous donne de la force? Et qu'est-ce qui vous fait peur dans la SEP?
Une précieuse amie m’a dit un jour: «Là où va la pensée va l’énergie.» Et depuis ce jour, j’essaye chaque matin de concrétiser cette idée pour éviter d’éventuelles peurs qui pourraient m’être néfastes… Mais ce serait mentir que de vous dire qu’aucune peur ne m’habite… Je prie chaque jour pour que mes jambes puissent continuer à me faire découvrir les merveilleux paysages de notre belle nature et je souhaite profondément pouvoir continuer mes activités de chant et de musique qui m’apportent une force intérieure incroyable. Et lorsque je doute, je me dis régulièrement: «Toi qui commences à peine à vivre, écoute un peu ce que les Anges ont à te dire, pare bien tes ailes et tiens-toi droite, fais la place à ton esprit roi, élève ta voix et chante comme la vie est belle.»
Qu'est-ce qui vous donne de l'espoir au sujet de la SEP?
La recherche évolue à grands pas, les traitements deviennent de plus en plus performants et moins lourds. La médecine complémentaire propose également énormément d’alternatives pour se faire du bien, calmer les symptômes, apaiser notre intérieur, maintenir notre autonomie… Et n’oublions pas qu’il y a des milliers d’étoiles qui scintillent et nous guident, et que parfois, l’une d’entre elle se détache des autres pour venir se déposer sur notre cœur afin de nous ramener cette confiance si fragile.
Si vous aviez 3 vœux gratuits, lesquels seraient-ils?
Regarder, ressentir, laisser la vie nous prendre par la main et croire en un avenir beau et lumineux. S’accepter en tant qu’être humain imparfait.
Aujourd’hui bien vécu fait de hier un rêve de bonheur et de chaque lendemain une vision d’espoir.
Avez-vous eu des expériences drôles et/ou tristes liées à la SEP?
Je vais relever une expérience magnifique vécue grâce au confinement du mois de mars dernier. Cette période m’aura permis de découvrir une belle âme au grand cœur, une artiste emplie de tendresse et d’amour qui véhicule tant de merveilleux messages afin que chacun d’entre nous puisse croire à une vie meilleure, à une vie d’Amour et de partage. Cette artiste au grand cœur se prénomme Tara, et délivre tant de douceur au travers de sa musique, de ses mots, de ses chants. J’ai déjà eu la chance d’aller à sa rencontre à deux reprises, et à chaque fois, j’ai eu cette sensation si forte que nos âmes étaient faites pour se relier. Tara, jeune artiste de 30 ans, touchée également par la SEP en 2017, a osé se lancer dans cette carrière d’artiste, qui nécessite aujourd’hui tant de force et d’énergie. Mais surtout, elle a cette croyance profonde que nous devons prendre soin de notre «(sclé)ROSE» intérieure et comprendre avec bienveillance les raisons pour lesquelles celle-ci germe en nous. Cette conviction, elle la chante au travers d’une merveilleuse création pleine d’espérance Seper, chanson pour une rose, écrite suite à son diagnostic et après lecture du livre de Marine Barnérias: «Le monde a besoin de ton âme, le monde a besoin de ta flamme. Le monde a besoin que tu oses, le monde a besoin de ta rose»
Quelles sont vos relations avec la Société SEP?
Je sais que la société SEP est une ressource qui sera toujours disponible en cas de doutes, de questions, d’inquiétude. J’ai eu recours à leurs services au moment du diagnostic pour différents aspects sociaux. J’ai participé à des formations et des journées extrêmement intéressantes où tant de bienveillance et d’écoute se ressentaient, que ce soit de la part des collaborateurs ou des participants… Et évidemment, cela me rassure en cas d’évolution de la maladie, de questionnement ou pour tout besoin de partage ou d’échange.
Je profite de ce portrait pour remercier du fond du cœur le Centre romand pour son investissement sans faille envers toutes les personnes atteintes de SEP et leurs proches.
Votre présence, votre soutien, vos conseils font de notre vie un voyage plus doux et meilleur.
«Ensemble plus forts».
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