Rendez-vous avec Camille Scherrer

Camille Scherrer est une fée des montagnes, qui, grâce à un doux mélange de culture populaire et de nouvelles technologies, nous emmène dans un monde magique ou la réalité et le rêve ne font plus qu’un. Diplômée en communication visuelle à l’ECAL, elle clôture ses études avec le Prix Pierre Bergé du meilleur travail de diplôme européen, et à partir de là, tout s’enchaîne. De Lausanne à Séoul en passant par New York et Le Locle, elle fait rêver les grands comme les petits et arrache des sourires béats aux plus sarcastiques!

Pouvez-vous nous décrire votre travail?
C’est plus facile à montrer qu’à décrire avec des mots! Je fais bouger des images et j’essaie de créer des moments poétiques. En gros, je communique des choses aux gens avec des petits tours de magie. Le message est essentiel, mais je veux que mes réalisations soient assez simples à comprendre, qu’elles soient ludiques et accessibles, je ne travaille pas pour les élites, mais pour tout le monde! Il faut que mes filles et  ma grand-mère puissent se les approprier.

Quel est la création dont vous êtes le plus fière?

Je dirais mon travail de diplôme, (ndlr. «Le monde des montagnes», un livre créé avec des archives de son grand-père qui prend vie sous une lampe et une petite caméra) c’est quelque chose  qui n’avait jamais été fait avant. C’est le point de départ de cette vague sur laquelle je surfe : ce projet en a appelé  un autre et ainsi de suite ! Par ailleurs, le mélange entre le populaire et la technologie qu’on y retrouve est devenu en quelque sorte ma signature, maintenant on me surnomme Geek Heidi!

Est-ce que vous avez déjà travaillé sur des sujets en lien avec le handicap ou la maladie?

J’ai fait une scénographie pour un atelier protégé pour caploisir avec des personnes qui souffre d’un handicap mental. J’ai pris énormément de plaisir à faire ce projet,  je me suis un peu retrouvée dans la simplicité des œuvres qu’il fallait mettre en scène, et alors que je ne connaissais pas du tout ce milieu, je m’y suis sentie très bien. Aujourd’hui je le découvre aussi dans ma vie privée, mon papa a fait un AVC et il se déplace en fauteuil roulant. Étonnamment, je redécouvre mon père que je connaissais assez peu car il travaillait beaucoup. Aujourd’hui, tout d’un coup on peu passer du temps avec lui, car il est heureux et disponible, il prend les choses plus simplement. Accepter sa situation a pris un peu de temps, mais j’ai l’impression qu’il est mieux dans sa peau. De mon côté, j’apprends pleins de choses, parfois je l’embarque dans ma voiture, on plie le fauteuil dans le coffre et on part en virée. Je n’imaginais pas que j’en serais capable, mais ça fonctionne et on passe beaucoup de bons moments ensemble!

Comment imagineriez-vous un projet sur la sclérose en plaques?

Je pourrais faire plein de choses! Pour illustrer les symptômes invisibles par exemple, on pourrait imaginer projeter des animations sur le corps. Mes outils, la réalité augmentée, permettent de révéler des choses qui sont cachées, c’est donc particulièrement inspirant!

Votre prochain projet, c’est quoi?
J’ai récemment gagné un concours dans le cadre du pour-cent culturel à l’hôpital de l’enfance à Lausanne. J’avais déjà fait un projet pour le nouveau Centre d’Oncologie dans le même cadre (ndlr «Play»). Pour moi ce sont des projets très spéciaux car ces lieux sont habités et il faut d’abord penser aux gens qui vont y vivre des expériences, parfois très douloureuses. Pour l’hôpital de l’enfance, j’avais l’impression de pouvoir faire quelque chose d’utile. En tant que maman, passer une nuit à l’hôpital avec son enfant c’est vraiment dur et je voulais essayer d’améliorer le bien-être des parents et des enfants. Je l’ai d’ailleurs nommé Joy, comme ma fille, aussi parce qu’elle et sa sœur m’ont énormément aidé à concevoir les installations, elles ont joué le rôle de critiques et de testeuses. Cela ce ressent, et  c’est ce qui a plu. J’ai donc pensé à sept modules, sept plots géants aux couleurs pop sur lesquels les parents peuvent s’asseoir pendant que leurs enfants jouent à l’intérieur, vivent des expériences et passent du bon temps. L’idée était de couper avec l’environnement anxiogène. Il y aura aussi une installation extérieure, qui sera faite pour jouer ainsi qu’un système de guidage dans les couloirs pour que les enfants puissent s’orienter sans savoir lire. Maintenant l’idée est vernie et je dois travailler sur la concrétisation, il verra le jour en 2022. En attendant, j’aurai également une exposition solo au CHUV à partir du 10 Avril 2019, c’est une rétrospective qui sera visible dans le hall d’entrée.