Qu’en est-il du «vaccin inverse»?

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Les vaccins préviennent les maladies en montrant au système immunitaire les agents pathogènes dangereux et en le préparant à y faire face. Dans le cas du «vaccin inverse», le principe inverse est appliqué. Mais est-ce la solution dans le cas de la sclérose en plaques (SEP)?

Le système immunitaire nous protège des maladies en détruisant les agents pathogènes envahissants tels que les virus et les bactéries. C’est une tâche difficile, car la diversité des organismes susceptibles de nous nuire est immense. Le système immunitaire apprend de différentes manières à réagir correctement aux dangers.

Il est essentiel qu’il sache reconnaître les cellules de l’organisme afin de ne pas les attaquer par erreur. À l’inverse, les mauvaises expériences montrent au système immunitaire quels types d’intrus sont particulièrement dangereux, par exemple lors d’infections.

Comment agit un vaccin?

Le succès des vaccins pour la prévention des maladies repose sur le principe suivant: on montre au système immunitaire à quoi ressemble un agent pathogène dangereux avant que le corps n’entre en contact avec le véritable agent pathogène. La personne est ainsi protégée contre la maladie qui serait normalement déclenchée par cet agent.

Cas spécial des maladies auto-immunes

Mais qu’en est-il des maladies auto-immunes? Il s’agit de maladies lors desquelles le système immunitaire attaque à tort les cellules saines de l’organisme. Il existe de nombreuses maladies auto-immunes, dont la SEP. Dans le cas de la SEP, le système immunitaire attaque des éléments de la couche de myéline (couche isolante des nerfs), provoquant ainsi des inflammations et des lésions des cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière.

Compte tenu du succès des vaccinations, ne serait-il pas possible de développer un «vaccin inverse»? Au lieu d’aider le système immunitaire à reconnaître ce qui est dangereux, ce vaccin l’aiderait à apprendre (ou à réapprendre) ce qui est sûr. Ainsi, le système immunitaire pourrait cesser d’attaquer les cellules saines ou, comme dans le cas de la SEP, certains de leurs composants comme la myéline.

Succès chez les animaux

La recherche a démontré que c’est possible chez les animaux. Pour comprendre cela dans son contexte, des modèles animaux pour les maladies auto-immunes sont souvent créés avec une sorte d’immunisation délibérément erronée: on administre à l’animal des protéines normales de l’organisme ainsi que des substances d’apparence dangereuse, telles que des fragments de microbes, liées à des infections.

Le système immunitaire de l’animal apprend alors à tort que la protéine normale est associée à un danger et commence à l’attaquer. Ainsi, chez les souris auxquelles on a administré un mélange de protéines cérébrales et de bactéries mortes, on observe parfois des réactions auto-immunes dans le système nerveux central qui sont similaires aux lésions des personnes atteintes de SEP. Cette maladie auto-immune expérimentale peut être jugulée en administrant à l’animal la même protéine avec d’autres substances qui signalent la sécurité.

Il s’agit d’un thème actif dans la recherche fondamentale et peut-être pourra-t-il être appliqué dans la pratique à l’avenir. 

Résultats non encore transposables pour les humains

Il existe cependant quelques différences très importantes entre cette maladie auto-immune expérimentale chez l’animal et la SEP chez l’être humain. Une différence significative est que chez les animaux, on sait quelle protéine est attaquée par le système immunitaire parce que les chercheur-euse-s l’ont administrée à ces derniers. Dans le cas de la sclérose en plaques, on l’ignore. Ce seul problème signifie que l’idée d’un «vaccin inverse» ne peut pas encore être utilisée pour traiter la SEP.

Un autre problème est que l’on ne sait pas encore si la SEP est effectivement causée par de mauvaises expériences d’apprentissage du système immunitaire, comme c’est le cas pour la maladie auto-immune expérimentale chez les animaux. Il s’agit peut-être quelque chose de complètement différent, et il se peut donc que le concept d’apprentissage ne soit pas pertinent.

Le «vaccin inverse» est donc une idée importante dans la recherche fondamentale, mais il n’offre pas encore de potentiel immédiat pour le traitement de la SEP. Nos connaissances au sujet de la SEP ne sont pas encore assez étendues et nous avons besoin d’en savoir plus pour mettre en œuvre de telles stratégies chez les personnes atteintes de cette maladie complexe.
 

Auteur-e-s:

Prof. Dre méd. Cristina Granziera, Hôpital universitaire de Bâle
Nicholas Sanderson, Université de Bâle
pour le Conseil médico-scientifique de la Société suisse SEP