Facteurs de risque et SEP: premières conclusions

Le Registre suisse de la SEP

Le thème «Facteurs de risque de la SEP» a été proposé à différentes reprises par les participant-e-s au Registre suisse de la SEP dans l’optique d’en apprendre davantage sur les causes de la SEP. En collaboration avec les personnes atteintes du comité du Registre SEP, l’enquête «Facteurs de risque de la SEP» a été conçue et lancée en avril 2021 par le Registre SEP.

Qu’en pensez-vous?

Dans la première partie de l’enquête, il a été demandé aux participant-e-s de fournir une estimation des causes possibles de leur SEP: avez-vous déjà formulé des hypothèses sur l’origine de votre SEP? Qu’en pensez-vous? Avez-vous des facteurs de risque particuliers à l’esprit?

516 personnes atteintes de SEP ont fourni à ce sujet des témoignages passionnants qui ont été présentés lors du premier webinaire sur les résultats des «Facteurs de risque de la SEP» à la fin de l’été 2022.

Parmi les nombreuses réponses apportées, différents facteurs de risque présumés de la SEP ont été rapportés et groupés. Les principaux étaient les suivants:

  • Stress (50%)
  • EBV / mononucléose infectieuse (12%)
  • Autres infections / maladies infantiles (24%)
  • Mode de vie: alimentation, tabagisme, alcool, etc. (23%)
  • Antécédents familiaux (18%)

Stress

La moitié des participant-e-s a cité le stress comme possible facteur provoquant l’apparition de la SEP. Des événements stressants récents ont été cités comme facteurs déclencheurs de la SEP, mais des impacts psychologiques et physiques datant de l’enfance ont eux aussi été mentionnés.

Le stress recouvre un large spectre d’expériences qualifiées de «profondément traumatisantes» à «quotidiennes» ou encore de «chroniques» ou «par vagues». Suivant qu’elles sont faites pendant l’enfance, l’adolescence ou à l’âge adulte, elles peuvent avoir des conséquences différentes. Du point de vue de la recherche sur la SEP, les expériences traumatiques ainsi que le stress chronique massif pendant l’enfance / l’adolescence pouvant influer le développement du cerveau sont en point de mire. À l’âge adulte, des phases de stress répétées capables de réguler fortement le système immunitaire à la baisse ou à la hausse sont au premier plan. Il est important de noter qu’aucune corrélation certaine entre le stress et l’apparition de la SEP n’a pu être démontrée à l’heure actuelle.

EBV / mononucléose infectieuse

La recherche part du principe qu’outre de nombreux autres facteurs, le virus d’Epstein-Barr pourrait jouer un rôle particulièrement important dans l’apparition de la SEP. Ainsi, 12% des participant-e-s ont déclaré qu’ils supposaient que le virus d’Epstein-Barr / la mononucléose infectieuse était un important facteur déclencheur de leur SEP.

Une étude a montré récemment que presque toutes les personnes développant une SEP avaient été auparavant en contact avec le virus EBV. L’EBV est donc une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour la SEP. Il faut également savoir que tous les adultes ou presque sont infectés par l’EBV et que tout le monde ne développe pas une SEP.

Deux caractéristiques sont en outre particulièrement frappantes. Si l’infection s’accompagne de symptômes manifestes (généralement pendant et après la puberté), on parle de mononucléose infectieuse. Celle-ci entraîne parfois des séquelles durables (interruption de la scolarité ou arrêt de travail, fatigue, déprime). Le système immunitaire est régulé à la hausse. La mononucléose infectieuse est un facteur de risque confirmé de l’apparition ultérieure d’une SEP, sachant que cette infection symptomatique par l’EBV se manifeste beaucoup plus fréquemment qu’une SEP ultérieure.

Comme les autres virus de l’herpès, l’EBV s’installe durablement dans les cellules de l’organisme; il privilégie en l’occurrence les lymphocytes B. Une réactivation de l’EBV intervient occasionnellement et se traduit par des niveaux élevés d’anticorps anti-EBV. On suppose l’existence d’un lien entre la réactivation de l’EBV et l’activité de la SEP; celui-ci n’a néanmoins pas été prouvé de manière concluante à ce jour. À l’instar d’autres virus de l’herpès, la réactivation du virus est favorisée par un système immunitaire affaibli (p. ex. par suite du stress, d’un manque de sommeil, etc.) et déclenche dans un deuxième temps une régulation à la hausse du système immunitaire. On espère que des études thérapeutiques et des études vaccinales contre l’EBV apporteront davantage de réponses à ces questions prochainement.

Autres infections / maladies infantiles

Près d’un quart des participant-e-s ont fait état de maladies fréquentes dans l’enfance: grippe, rhumes, problèmes gastro-intestinaux, angine, varicelle, oreillons, scarlatine et autres maladies et infections.

La recherche sur la SEP a différentes infections et maladies spécifiques en ligne de mire. Il existe certains indices d’un risque accru pour les personnes ayant subi une infection par HHV-6A. Il s’agit là d’un sous-type de l’agent pathogène responsable de la fièvre de trois jours, là aussi un virus de l’herpès. Les angines, c’est-à-dire les amygdalites, souvent suivies d’une ablation des amygdales, n’ont jusqu’à présent pas contribué de manière convaincante à l’augmentation du risque de SEP.

Une SEP «venue de nulle part»

Contrairement aux domaines les plus souvent cités, on a également relevé une proportion considérable de personnes concernées jamais ou rarement malades chez lesquelles la SEP s’est déclarée de manière inattendue. Il s’agit là aussi d’un résultat extrêmement intéressant que nous étudierons dans le cadre d’autres analyses détaillées afin de mettre le cas échéant en évidence d’éventuelles différences.

Mode de vie

23% des participant-e-s ont soupçonné la présence de risques éventuels dus à leur mode de vie peu sain. Ont notamment été mentionnés une mauvaise alimentation, des carences alimentaires, le tabac, l’alcool et une faible activité sportive.

Sur le plan scientifique, le tabac se détache comme facteur de risque. Il est intéressant de constater que c’est même le cas du tabagisme passif. La consommation de tabac à chiquer n’a pas d’impact sur la SEP. Le tabagisme influence d’une part l’activité du système immunitaire et apporte d’autre part des toxines et des métaux lourds qui peuvent pénétrer dans la circulation sanguine par les poumons et finalement dans le cerveau.

De nombreuses recherches ont été effectuées ces dernières années sur l’alimentation comme possible facteur de risque de la SEP, notamment la composition du microbiote intestinal et d’éventuels processus inflammatoires déclencheurs. Il semble que la composition du microbiote (flore intestinale) des personnes atteintes de SEP diffère de celle des personnes saines de référence. Les facteurs nutritionnels qui pourraient jouer un rôle central dans ce domaine ne sont toutefois pas encore clairs et font actuellement l’objet de recherches intensives. Ce qui a toutefois été confirmé scientifiquement, c’est le lien entre une carence en vitamine D et un risque de SEP.

Antécédents familiaux

Les antécédents familiaux ont eux aussi été souvent mentionnés (18%), ce qui coïncide donc assez exactement avec de précédentes évaluations du registre.

La prédisposition familiale à la SEP indique la présence d’un risque génétique. La recherche a recensé plus de 200 anomalies génétiques. Prises individuellement, elles n’ont qu’une faible influence sur le risque de SEP. La question de savoir dans quelle mesure des combinaisons génétiques défavorables jouent également un rôle dans l’évolution de la maladie est largement étudiée. Mais ces facteurs génétiques ne suffisent pas à eux seuls à expliquer le déclenchement de la maladie, ce qu’ont montré des études sur les jumeaux. Le risque de transmission d’un parent atteint à ses descendants est très faible et n’est pas suffisamment pertinent pour dissuader une personne atteinte de fonder une famille.

Qu’est-ce que les personnes atteintes de SEP feraient différemment aujourd’hui?

La question de savoir si les personnes atteintes éviteraient de faire ou feraient différemment certaines choses avec le recul a également donné lieu à de nombreuses réponses. De nombreuses personnes atteintes ont indiqué qu’elles changeraient de mode de vie: moins d’alcool, une alimentation plus saine, plus de sport, pas de tabagisme…

La prévention du stress a également été fréquemment citée: s’écouter davantage, poser ses limites et également chercher de l’aide. Certaines personnes ont aussi indiqué qu’elles ne changeraient rien parce qu’elles ne pensent pas que leur SEP ait été déclenchée par quoi que ce soit ou parce qu’elles sont soulagées de n’avoir appris que très tardivement qu’elles étaient atteintes de SEP.

Qu’apprenons-nous de plus?

Les estimations des personnes ayant participé à l’enquête sur les facteurs de risque reflètent des observations essentielles. D’une part, elles montrent qu’il existe deux grands groupes distincts de personnes atteintes. Les participant-e-s du premier groupe font état en général de plusieurs facteurs pouvant jouer un rôle dans l’apparition de la SEP. Pour elles, un facteur de risque vient rarement seul. Toutefois, on ne sait pas encore comment les différents facteurs interagissent.

Les personnes atteintes du second groupe ont un vécu très différent. Elles n’ont pratiquement pas perçu de facteurs de risque, bien au contraire: souvent, elles n’ont quasiment jamais été malades au cours de leur vie. La SEP est venue pour elles de nulle part. Pour ce groupe de personnes concernées, la recherche est peut-être confrontée à d’autres défis que pour le premier groupe.

Que faire maintenant?

Une seconde étape verra l’analyse des données issues de la deuxième partie de l’enquête. Celle-ci compare les facteurs de risque entre les personnes atteintes de SEP et celles qui ne le sont pas.

 La première partie du webinaire (en allemand)