Une IRM qui met en lumière une SEP sans avoir de symptômes. Une année d’errance médicale, le parcours de Gilles avec sa SEP est un cas unique. Technicien en radiologie médicale et père de trois enfants, découvrez comment la SEP s’est invitée dans sa vie et de quelle manière son quotidien évolue depuis.
De quelle manière s'est déroulé le diagnostic de SEP ?
Ce qui est particulier chez moi c’est que ma maladie a été découverte avant les premiers symptômes. En effet, je travaillais en radiologie au CHUV à Lausanne, et en voulant tester une séquence sur une IRM, je suis allé dans la machine et quelque chose d’anormal est apparu à l’écran. J’ai donc dû effectuer un examen cérébral complet et suite à cet examen on m’a fait une ponction lombaire et le diagnostic suivant est tombé : examen radiologique isolé. En effet, sans symptôme, le mot SEP n'apparaissait pas sur le rapport, même si le résultat de l’IRM et la ponction indiquaient qu’il s’agissait bien de cette maladie. Il a donc été décidé de continuer comme ça, sans traitement et au moindre symptôme, effectuer de nouveaux examens pour voir si la maladie était active. Ce fut une période très compliquée, car à la moindre anomalie (migraine, fourmillements, fatigue, ...) on fait forcément références à ces symptômes en question !
Comment gérer cette période compliquée ?
Ce qui m’a beaucoup aidé à ne pas me focaliser continuellement sur l’attente des symptômes, c’est que ma femme était enceinte de notre premier enfant. Cette période a duré une année, et un soir après une séance de sport, j’ai ressenti des fourmillements anormaux dans les jambes, je suis allé voir la neurologue le lendemain et à ce moment-là, la maladie était officiellement déclarée.
Qu’avez-vous ressenti lors du diagnostic ?
Ce qui est assez paradoxal, c’est que lorsque la phrase : « vous avez une SEP, vous allez avoir un traitement » est tombée, j’ai ressenti un énorme soulagement, j’allais enfin être suivi et n’aurai donc plus cette attente avec cette épée de Damoclès en continue. Travaillant dans le domaine médical, j’ai été très vite pris en charge. Ce qui fut une chance dans mon malheur est que j’ai découvert que j’avais une SEP avant de la développer. Je suis de ce fait un patient intéressant pour la recherche sur la maladie, car ma SEP a été détectée super rapidement. Je donne mon sang régulièrement pour aider la recherche et soutenir à ma manière.
Comment a évolué la maladie en 10 ans ?
En travaillant à l'hôpital, j’ai des horaires irréguliers et j’ai eu trois enfants en 10 ans. J’ai beaucoup de choses qui ont changé dans ma vie. J’ai beaucoup de fatigue, mais elle est aussi liée au travail et à la famille, pas uniquement à la SEP. Au niveau des symptômes, je ressens des fourmillements, mais c’est gérable. Je considère que je suis chanceux en comparaison à d’autres.
Comment se passe votre situation professionnelle ?
Actuellement, je suis technicien en radiologie médicale à St-Imier. C’est un travail avec des contraintes de nuit et des gardes. Depuis que je me suis déplacé du CHUV à St-Imier, il est plus simple d’allier vie de famille et vie professionnelle. Mes anciens collègues du CHUV étaient au courant, comme mes collègues actuels de Saint-Imier à qui je l’ai annoncé dès mon arrivée. Pas parce je souhaitais un traitement différent de par la maladie, mais plutôt pour instaurer un climat de transparence et de confiance et que si une fois mon état venait à se dégrader, ils seraient déjà au courant. Au début, ce qui était plus compliqué, c’est le fait de côtoyer régulièrement des personnes atteintes de SEP qui viennent passer des examens en radiologie, cela me ramenait sans arrêt à la maladie et c’est comme si je voyais mon propre futur et d’un autre côté, cela me faisait relativiser car je me rends compte que je suis dans une situation stable par rapport à certains patients plus atteints par la maladie.
Est-ce que vous parlez de votre situation personnelle aux patients que vous rencontrez ?
Je ne parle jamais de ma propre situation et du fait que je suis atteint de SEP. Le patient vient pour lui, je ne veux pas lui parler de ma propre situation. C’est particulier, car certains me disent que je ne comprends pas ce que c’est d’avoir la SEP ou d’avoir une maladie chronique, alors qu’en réalité je fais également partie des personnes atteintes. Mais je préfère garder une certaine distance, je pense que c’est plus sain et plus professionnel.
Avez-vous dû adapter votre travail ?
J’ai pu continuer mon travail comme avant, il y a une certaine fatigue à gérer, mais je n’ai pas eu besoin d’adapter trop d’éléments. J’ai surtout voulu revoir mes priorités, je me suis rapproché de mon lieu de vie pour avoir moins de fatigue liée au déplacement, mais en dehors de ça, je peux toujours travailler et vivre normalement avec ma famille et mes amis.
Quelles sont vos activités qui vous font du bien ?
Quand j’ai appris que j’avais une SEP, j’ai d’abord tout mis de côté. Je me disais que le sport n’était pas du tout la priorité. Je ne voulais pas m’entrainer pour rien, en soit je partais du principe que la SEP m’empêcherait d’être compétitif du coup j’ai laissé le sport de côté. J’ai toujours été sportif, j’ai fait beaucoup de foot, du hockey, du ski et du fitness. Avec la SEP, j’étais plutôt en mode je passe à autre chose, je profite de la vie, je fais la fête. Mais avec l’arrivée de mon premier fils, et l’absence de nouveau symptôme, je me suis dit que je ne pouvais pas continuer comme cela, de plus le sport commençait à me manquer. Après une remis en question, j’ai repris le sport en commençant par le VTT, car j’avais envie de partager des activités sportives avec mon fils.
Un jour, ma femme, qui faisait beaucoup de course à pied, m’a proposé de participer aux 10 km de Lausanne avec elle. Je me suis donné le challenge de les faire avec elle et de les finir. J’ai terminé la course, mais j’ai eu mal partout, je me suis dit « plus jamais » et finalement petit à petit, j’ai repris la course et j’y ai pris goût, assez rapidement. Je me suis beaucoup entrainé avec des amis qui courraient énormément et qui m’ont donné de précieux conseils, ce qui m’a permis de vite progresser. Récemment, je me suis inscrit au Groupe régional SEP Running Team et nous avons créé avec quelques amis un groupe de courses « les coureurs du Grand Chasseral » avec lequel nous nous entrainons régulièrement et nous participons à plusieurs courses.
Quels sont vos projets pour la nouvelle année ?
En 2025, je souhaiterais participer à une course avec la SEP Running Team et faire la connaissance de personnes qui vivent les mêmes choses que moi. Finalement, on peut dire que le sport me permet de bien me vider la tête et de me sentir bien dans mon corps. Cependant, mon moteur et les activités qui me font le plus grand bien sont celles que nous faisons en famille. Tout le temps passé avec mes enfants reste le meilleur remède et ces moments me permettent d’oublier tous les soucis et de créer de merveilleux souvenirs. Voir mes enfants faire leur sport favori (mes deux garçons pratiquent le hockey et ma fille des agrès et de la danse) est aussi une activité qui prend du temps, mais qui me convient bien.
Quels sports pratiquez-vous aujourd’hui ?
J’ai pris part à plusieurs courses à pied ces dernières années. J’ai participé au Marathon du Mont-Blanc en juin 2024 (soit 45 km et 2540 m de dénivelé), j’ai également pris part à Sierre-Zinal, l’Ultraks de Zermatt, et pleins d’autres… Ces courses sont super, ce sont des moments très intenses. J’ai fait des courses un peu plus fun comme les 20 km de la côte de Granite Rose en Bretagne et le night trail de Venise (la course au 51 ponts). Cela m’a permis de découvrir plein d’endroits magnifiques. Ma famille est présente sur chaque course, ce qui me donne une motivation supplémentaire et une fierté de pouvoir passer ces moments ensemble, tout le monde y trouve son compte, car mes enfants et ma femme courent aussi dans leurs catégories.
Lors de ces courses, je me sens comme tout le monde et je rivalise avec des gens en bonne santé. La sensation ressentie lorsque l’on finit une course avec les objectifs que l’on s’était fixés est indescriptible, c’est tellement grisant que, malgré les souffrances ressenties durant la course, on en redemande en poussant ses limites toujours plus loin. La fatigue physique de la course à pied et du sport en général est une fatigue saine, on sait d’où elle vient et pourquoi on l’a. Je dors mieux, je suis plus en forme depuis que je fais du sport. Je pratique également beaucoup de VTT, là aussi je participe à certaines courses, avec peut-être cette année une participation au Grand Raid. Je pratique aussi le ski et occasionnellement le hockey avec mes deux garçons qui jouent en club.
Comment a réagi votre entourage face au diagnostic ?
Le diagnostic a été très compliqué pour mon épouse et pour mes parents. Des deux côtés, ils avaient connu des expériences très négatives avec des personnes atteintes de SEP, avec des cas très lourds, des personnes qui allaient très mal. Malgré le fait que c’était moi qui étais malade, j’ai dû au début les rassurer, leur dire que je ferais le maximum pour que ma situation reste bonne. Même si par moment j’étais fatigué ou que je n’avais pas trop la forme, je ne voulais pas qu’ils se fassent du souci, je ne me plaignais pas. Avec le temps, ils ont vu que je pouvais accomplir plein de choses et ils ont été rassuré. Bien sûr, on ne sait jamais comment cela va se développer, alors il faut vivre pleinement. Il faut aussi dire que la recherche a fait beaucoup de progrès, les gens vont mieux. Il y a plus de personnes atteintes mais moins gravement. Nous parlons de la maladie sans tabou en famille, je sais également que je peux compter sur le soutient permanant de ma femme, de mes parents et de mes amis qui me permettent d’avancer sereinement. On peut vivre plus ou moins normalement avec la maladie, et c’est très encourageant.
Et avec les amis ?
J’ai ressenti un peu de pitié de certains de mes amis. Ils n’osaient pas me demander comment j’allais ou me poser des questions sur la maladie et puis ça a évolué. Mais globalement, ils ont été soutenants, je n’ai pas vécu de préjugés ou de remarques blessantes. Certains se permettent même quelques petites blagues sur ma maladie et cela me fait énormément de bien, cela prouve qu’ils sont à l’aise avec ça.
Pouvez-vous en discuter avec vos enfants ?
Mes trois enfants ont 10, 8 et 5 ans. On parle de la maladie avec eux, en adaptant le langage et les explications à leur âge, ils comprennent à leur façon ma fatigue, pourquoi je vais me coucher plus vite parfois, etc. Le plus grand a bien compris, mais ce n’est pas pour autant qu’il va me laisser gagner une course à pied où et qu’il ne va pas me remettre à ma place dans une partie de hockey. Pour eux, je suis un papa comme les autres, ils sont fiers de moi autant que moi je le suis d’eux. Quand on est malade de la SEP on ne sait pas de quoi sera fait demain, alors on profite au maximum de ces instants.
Que conseillez-vous aux personnes qui viennent de recevoir un diagnostic ?
La SEP va faire partie de la vie de la personne, une sorte d’intru qui s’invite, on ne peut rien y faire, il faut apprendre à vivre avec, mais il faut essayer d’en faire une force, en redéfinissant ses priorités, en revoyant son équilibre de vie, en profitant de petites choses de la vie qui sont belles. J’en fais une force, je profite de mes proches, je fais du sport, j’aime mon travail et je redéfinis mes priorités, je parle beaucoup plus ouvertement de ce que j’ai envie de faire ou de ne pas faire. Il y aura toujours des hauts et des bas, mais il faut se donner un maximum de force pour les surmonter. La SEP m’a permis de me dire que la vie passe suffisamment vite et qu’il faut en profiter pour ne pas avoir de regrets, car nous ne savons pas ce qui peut se passer…
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