Comment diagnostique-t-on la sclérose en plaques?

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Différentes conditions doivent être remplies pour que soit posé un diagnostic de sclérose en plaques (SEP), notamment la présence d’anomalies et symptômes physiques qu’un examen supplémentaire spécifique permet de reconnaître.

Il est important de diagnostiquer une SEP au plus tôt et avec exactitude afin de démarrer le traitement le plus rapidement possible et de pouvoir ainsi avoir une influence positive sur l’évolution de la maladie. Tous les deux ou trois ans, un panel d’experts international se réunit pour établir les critères justifiant le diagnostic de SEP, qu’on appelle «critères de McDonald». Ce nom fait référence au neurologue néo-zélandais Ian McDonald (1933-2006), qui a organisé la première réunion de ce groupe d’experts en 2001. Le diagnostic repose sur un relevé minutieux des antécédents médicaux, sur un examen neurologique ainsi que sur quelques examens techniques et analyses de laboratoire. Selon ces critères diagnostiques, les symptômes neurologiques doivent être apparus plusieurs fois, à des moments différents, et dans différentes zones du système nerveux central.

Anamnèse et examen neurologique

En premier lieu, on réalise une anamnèse (interrogatoire médical) détaillée qui permet de découvrir si des symptômes comme des troubles sensoriels ou visuels sont déjà apparus auparavant et peuvent être corrélés au diagnostic préliminaire de sclérose en plaques. On recherche par ailleurs des facteurs de risque de SEP, comme l’existence de personnes atteintes de SEP dans la famille du patient ou d’antécédents de mononucléose infectieuse dans sa jeunesse. On recherche également des symptômes d’autres maladies pouvant ressembler à la SEP.

L’examen physique et neurologique doit être réalisé avec la plus grande précision afin d’obtenir des indices sur la zone du système nerveux atteinte par la maladie. Un outil permet de recueillir les symptômes de manière normalisée et d’estimer ainsi leur évolution: l’«Expanded Disability Status Scale» (EDSS-Score). Il s’agit d’un système d’évaluation qui, sur la base des symptômes existants et de leur manifestation, attribue un nombre de points entre 0 et 10.

Diagnostic complémentaire par IRM et analyse du liquide céphalorachidien

Parmi les examens techniques, l’IRM (imagerie à résonance magnétique) est particulièrement importante. En cas de suspicion de sclérose en plaques, une IRM du cerveau et de la moelle épinière est réalisée. Chez les personnes atteintes de SEP, les symptômes se manifestent particulièrement souvent et de façon typique dans des zones bien précises du système nerveux central. Connaître la répartition et la forme du foyer inflammatoire peut considérablement aider à établir le diagnostic et à exclure d’autres maladies. L’IRM permet notamment de vérifier s’il existe des foyers inflammatoires actifs. Dans un cadre restreint, le nombre et la localisation des foyers permettent également de déterminer comment la maladie va évoluer. L’IRM reste importante par la suite, notamment pour pouvoir évaluer l’évolution de la maladie ou la réaction à des traitements spéciaux.

Pour ce qui est des analyses de laboratoire, une ponction lombaire est effectuée afin d’extraire du liquide céphalorachidien pour y rechercher en particulier des protéines spéciales, les bandes oligoclonales, qui sont présentes chez plus de 95% des patientes et patients atteints de SEP. Par ailleurs, l’analyse du liquide céphalorachidien contribue à exclure d’autres maladies (comme des maladies infectieuses) et peut également fournir des informations pronostiques supplémentaires. Le sang fait également l’objet d’une analyse détaillée en vue d’exclure d’autres maladies auto-immunes et certaines maladies infectieuses qui peuvent faire penser à une sclérose en plaques.

Des examens neurophysiologiques (potentiels évoqués) sont également menés à bien afin d’examiner la transmission de l’influx nerveux de différents systèmes fonctionnels, comme ceux du système visuel et de déterminer si la maladie a déjà entraîné des perturbations mesurables. Ces examens sont également importants pour déterminer l’état initial du patient afin de pouvoir évaluer l’évolution de la maladie.

Nouveaux critères diagnostiques

Afin de normaliser le diagnostic et de pouvoir le poser le plus tôt possible et avec la plus grande certitude, les critères diagnostiques définis par McDonald sont améliorés et adaptés au fil des années. La dernière révision date de 2017. Au centre de ces critères, on retrouve les symptômes cliniques, l’IRM et le résultat de l’analyse du liquide céphalorachidien. L’IRM peut être utilisée pour analyser exactement la répartition spatiale des foyers inflammatoires.

Nombre de ces foyers visibles par IRM ne se manifestant pas chez les patients, que ce soit par des symptômes neurologiques ou des douleurs, cet examen apporte une information complémentaire que l’examen neurologique seul ne pourrait fournir. L'examen du LCR, et notamment la détermination des bandes oligoclonales, permet d'obtenir une indication sur le caractère chronique de la réaction inflammatoire.. Dans de nombreux cas, cela permet de se rendre compte que la personne est atteinte depuis plusieurs mois voire des années déjà, sans qu’elle ait remarqué quoi que ce soit.

Exemple: jeune femme atteinte d’une inflammation du nerf optique

Ina Müller (son nom a été modifié) a 25 ans. Depuis quelques jours, elle souffre de douleurs à l’œil gauche, en particulier quand il est en mouvement. Elle s’est rendu compte qu’elle ne perçoit plus aussi bien les couleurs qu’avant de l’œil gauche et qu’elle voit flou, «comme à travers un verre dépoli». Son médecin l’adresse à une neurologue qui soupçonne une inflammation du nerf optique et fait le nécessaire pour établir son diagnostic. Lors de l’interrogatoire détaillé, Madame Müller explique que, l’année précédente, des sensations d’engourdissement étaient apparues dans sa jambe droite pendant près de deux semaines avant de disparaître d’elles-mêmes.

Sur l’IRM du cerveau comme celui de la moelle épinière, plusieurs foyers inflammatoires sont visibles, les potentiels évoqués visuels indiquent une détérioration de la fonction visuelle de l’œil gauche et des protéines spéciales (les bandes oligoclonales) sont mises en évidence dans le liquide céphalorachidien. Aucune autre cause, comme une maladie infectieuse ou une autre maladie auto-immune, n’est trouvée.

Conformément aux critères de McDonald de 2017, avec deux poussées, la mise en évidence de plusieurs foyers inflammatoires par l’IRM du cerveau et de la moelle épinière ainsi que les résultats significatifs de l’analyse du liquide céphalorachidien, le diagnostic d’une sclérose en plaques avec évolution par poussées peut être établi. Ina Müller reçoit des doses élevées de cortisone pendant trois jours, ce qui permet heureusement aux troubles visuels de se résorber totalement. La neurologue d’Ina Müller lui conseille pour commencer un traitement qui influe sur le système immunitaire, en vue de réduire le risque que se forment de nouveaux foyers inflammatoires.

Pourquoi un diagnostic rapide est-il important?

Il est important de poser le diagnostic assez tôt afin d’avoir une influence positive sur la maladie, avant même qu’apparaissent d’éventuels troubles durables. Ces dernières années, plusieurs nouveaux médicaments influant sur le système immunitaire ont été autorisés. Plusieurs études ont montré que les patientes et patients qui ont pu être traités assez tôt dans l’évolution de la maladie étaient dans un meilleur état de santé que ceux qui avaient été traités plus tard ou ne l’avaient pas été du tout.

Par ailleurs, un traitement immunomodulateur est possible même pour les patientes et patients ne remplissant pas encore tout à fait les critères diagnostiques mais chez qui l’existence d’une sclérose en plaques paraît plus que probable. Ce stade s’appelle le «syndrome clinique isolé». Certes, la sclérose en plaques reste une maladie chronique qu’on ne sait guérir. Mais grâce à un diagnostic rapide et au développement de nouvelles possibilités de traitement, il est possible d’influencer positivement l’évolution de la maladie chez de nombreux patients.

Texte: Prof. Tobias Derfuss, responsable de la polyclinique de l’hôpital universitaire de Bâle et Dr Johanna Oechtering, Cheffe de clinique en neurologie à la polyclinique de l’hôpital universitaire de Bâle